Pourquoi le prix du chocolat augmente ?
Dynamique complexe de cette envolée soudaine :
Même si le cacao n'a pas l'exclusivité des flambées tarifaires que nous subissons de plein fouet ces derniers mois dans d'autres secteurs, il demeure que le cours de cette matière première fluctue et parfois explose. Alors qu'en 2023 la tonne de cacao se négociait autour de 2500 $, en avril 2024, l'écrasante et symbolique barre des 12000 $ la tonne a été dépassée ! De l'or en barre qui affole les marchés !
C'est un séisme qui ébranle l'industrie chocolatière et qui commence déjà à impacter le porte-monnaie du consommateur de façon significative. La liste est longue et en ascension verticale. Après le pétrole brut, le gaz naturel, l'or, le cuivre, le platine, l'aluminium, le riz, l'huile de palme, le coton, le thé, qui sont des matières premières à surveiller ce deuxième semestre 2024...voilà que l'inflation frappe le cours du cacao avec des augmentations largement supérieures à d'autres produits du rayon alimentaire.
On se retrouve dans une situation qui met en lumière la complexité du marché du cacao, où les fluctuations de la production mondiale et de la demande impactent les stocks et les prix comme une valeur côtée en bourse.
Comment expliquer la raréfaction des fèves?
Plusieurs analyses expliquent ce marché en ébullition alimenté par le spectre d'une pénurie.
- L'industrialisation intensive : depuis le XIXème siècle, l'activité humaine concentre ses efforts pour surproduire de l'énergie.
- Le réchauffement climatique inquiétant : l'exploitation des combustibles fossiles tels que le gaz, le charbon, le pétrole libèrent des émissions de gaz à effet de serre. Ces gaz entourent notre planète d'un voile naturel redoutable qui retient la chaleur du soleil. La terre se réchauffe dangereusement et ce phénomène entraine des variations de température qui dérèglent notre climat.
- la production industrielle et ses rejets toxiques
- la déforestation intensive
- la surconsommation et la pollution qu'elle engendre
La conséquence : sécheresses, pénuries d'eau, incendies, fonte vertigineuse des glaciers, élévation du niveau des océans, inondations spectaculaires, cyclones dévastateurs.
Le cacaoyer était, selon les croyances aztèques qui lui attribuaient de multiples vertus, l'Arbre du Paradis. Dans le contexte actuel et ces temps incertains, le mythe du Paradis perdu remonte à la surface comme un volcan en éruption et le chocolat bouillonne. Le développement du cacaoyer a des exigences écologiques considérables. Il lui faut : des températures élevées, une hygrométrie supérieure à la moyenne de plus de 80 %, un ombrage optimal, des sols limoneux. En résumé, il apprécie le climat tropical pour se développer.
Cette année 2024, le « Cocobod », office national de commercialisation du cacao au Ghana, affiche une baisse de production saisonnière quasiment divisée par deux.
Le fléau responsable : la maladie endémique du Swollen Shoot (CSSV, Cacao Swollen Shoot Virus) un phytovirus propagé par de petits insectes parasites (mirides, psylles et autres chenilles défoliatrices). Ce virus au nom barbare qui sévit, dévaste les pousses des cacaoyers en Afrique de l'Ouest.
Sachant que la durée de vie moyenne d'un cacaoyer est de 40 ans et que les pays producteurs souffrent d'un manque constant d'investissements, les forêts vieillissent et s'appauvrissent faute de traitement. Les gouvernements locaux peinent à réunir des fonds pour aider les agriculteurs à replanter de nouveaux arbres plus résistants et à organiser des campagnes de traitement.
Les pesticides ne fonctionnent pas toujours très bien contre la cochenille obligeant la coupe définitive des arbres infectés. Des vaccins existent pour éradiquer le virus mais ils sont chers pour les agriculteurs modestes.
D'autres méthodes, plus biologiques, telles que la lutte intégrée, visent à contrôler la propagation des nuisibles tout en minimisant l'usage des pesticides de synthèse. Cette lutte biologique consiste à mettre en place des leviers efficaces pour lâcher des ennemis naturels contre ces insectes ravageurs.
La reforestation s'impose mais ne vient pas, contrée par l'orpaillage illégal dans certaines régions.
Des exploitations de cacao cèdent la place à l'installation sauvage de mines d'or ou de plantations d'hévéas pour produire du caoutchouc.
Cette perte des terres agricoles dédiées à la culture du cacao, vendues à faible prix à des investisseurs, couplée à de mauvaises conditions météorologiques qui développent des virus ravageurs, entraine l'abandon des cultures par les fermiers.
Une baisse significative de production de fèves qui flambe les prix et génère une spéculation financière :
La conséquence de tous ces facteurs réunis nourrit l'inquiétude des courtiers sur les marchés internationaux par crainte d'une pénurie de la matière première. La spéculation financière s'emballe tandis que l'augmentation des prix n'est pas vraiment fondée.
Les investisseurs font irruption et à Londres le marché du cacao se financiarise. D'ailleurs, au sein des grands groupes de l'industrie cacaotière, on ne parle plus d ' « acheteurs » mais de « traders ». Ces derniers doivent maitriser les arcanes boursiers tout autant que les subtilités de l'agriculture.
Pour ajuster les prévisions de la demande à venir, des stocks, des prix, des taux de change, ces traders « nouvelle génération » collaborent avec une foule d'analystes financiers, d'ingénieurs agronomes. La théorie selon laquelle les prix à la hausse seraient le reflet justifié d'une trop forte demande par rapport à une possible baisse des quantités de fèves disponibles reste cependant à démontrer sur le long terme.
Les stratégies industrielles pour éviter la fuite du consommateur :
Les acteurs de l'industrie de chocolat l'ont compris. Pour éviter cette fuite en avant et contourner l'épineuse problématique de la hausse du prix au kilo du cacao, les astuces perfides se multiplient. Et faisons leur confiance, ils ont de l'imagination en la matière !
- La shrinkflation : une pratique qui consiste à réduire la quantité de produit dans un paquet sans minorer son prix. Autrement dit, masquer l'augmentation du prix au kilo (ou au litre) par une réduction discrète de la matière.
Lorsque Mars Inc. a apporté une petite modification à sa populaire barre de chocolat Galaxy, en réduisant de 10 grammes la taille standard du produit et en remballant le traitement plus léger sans réduire le prix, les acheteurs britanniques ont été surpris, mais pas les négociants en cacao.
Une pratique commerciale déguisée pas forcément très populaire que dénoncent les associations de consommateurs !
- Les substituts au cacao : les industriels esquivent ces contraintes économiques et leurs coûts de production par l'élaboration de produits « chocolatés » ... qui n'en contiennent pas !
Certains professionnels de l'alimentaire, dépourvus d' états d'âme, ajoutent à la place du caramel, du beurre de cacahuète, des noix ou des fruits. Ces aliments faussement affichés « au chocolat » ne contiennent en réalité que des graisses aromatisées au chocolat !
Le consommateur est grugé, l'industriel sans scrupules se frotte les mains ! Au suivant !
- La cheapflation : autre méthode des industriels, encore plus sournoise, qui consiste à profiter de l'inflation et de son contexte anxiogène, pour augmenter les prix d'un produit afin de « rediriger » le consommateur vers d'autres produits transformés qu'il pense similaires mais qui sont en réalité de piètre qualité alimentaire et qui favorisent la " Malbouffe ".
Dans ce contexte, comment dénouer le vrai du faux face à cette hausse avérée du prix du chocolat ? Ce qui est justifié et ce qui ne l'est pas ?
On lui prête tellement de vertus qui déculpabilisent les plus fins gourmands qu'il va être difficile de concevoir qu'on devra peut-être un jour s'en passer.
Il ne reste plus qu'à espérer que l'avenir, pour le moment incertain, du chocolat offre des perspectives plus rayonnantes et qu'une embellie sur le prix à la baisse du cacao se dessine...pour notre plus grand plaisir !
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